literature

Terres de reve ~ Partie 2 Chap 5

Deviation Actions

CaelaSephyra's avatar
By
Published:
704 Views

Literature Text

Une nouvelle douleur le réveilla brutalement. Son corps entier se crispa, et il dut grincer des dents pour se retenir de hurler.
Jahëkumra se redressa doucement, une main sur le visage. Il fronça ensuite les sourcils pour contempler ses doigts fins. Ils étaient toujours noirs, et il avait du mal à les faire bouger. Les douleurs ne s’arrêtaient pas. Et il pouvait à peine se mouvoir.
Il se laissa de nouveau tomber sur son matelas, respirant avidement l’air environnant. Sa souffrance lui monta à la tête, à tel point qu’il sentait son cœur battre jusque dans ses tempes. Il ferma les yeux.

Et s’évada dans un monde qui n’appartenait plus qu’à lui.


****


Le soleil s’était dissimulé derrière les arbres lorsqu’Elias sortit de sa demeure en respirant profondément l’air frais du soir. Il vit les villageois rentrer un à un chez eux, et décida d’aller marcher un peu parmi les habitations pour se dégourdir les jambes.
Il saluait tous ceux qu’il croisait sur son passage. Il était connu à Euresias ; l’héritier prometteur de la grande famille de sorciers dont les Renards-volants étaient si fiers. Elias s’amusa à regarder les enfants jouer devant leurs maisons de bois et de pierre, avant d’être rappelés par leurs parents. Il les voyait gigoter leurs ailes miniature dans leur dos, attendant avec hâte le jour où elles pourraient les emmener loin dans les cieux. Habituellement, les jeunes ne parvenaient pas à décoller avant leurs douze ans, mais ils s’entraînaient durement pour y arriver, chaque jour. Et plus ils y arrivaient tôt, plus ils étaient acclamés par le village tout entier.
Elias replia doucement ses ailes pour se faufiler entre deux groupes de personnes qui marchaient dans la direction opposée. Sur l’île d’Euresias, tout le monde gardait ailes, oreilles et queue visibles. Un trait de Reculés dont ils étaient fiers, qui faisait partie de leur culture et de leurs traditions. Même s’ils étaient isolés du continent par quelques kilomètres d’océan, ils commerçaient malgré tout avec les Lycaons qui vivaient à proximité de la côte. Leurs bateaux allaient et venaient chaque semaine, et on échangeait les fruits abondants de l’île contre des céréales et d’autres denrées que l’on ne pouvait trouver sur ces terres fertiles. Ces Lycaons étaient eux-mêmes en contact régulier avec la majestueuse Anethie, le royaume des Loups. Ces derniers temps, la cité était d’ailleurs toujours en fête pour célébrer le quatrième anniversaire de l’héritier du trône, le fils du Seigneur Anetham. Bien qu’au fond, rien ne pouvait réellement atténuer la douleur qui s’était abattue sur le royaume à la mort de la jeune princesse, décédée en bas âge d’une maladie incurable.
Elias soupira. Au fond, ils étaient tous faibles. Anethie pouvait se targuer de posséder une armée très puissante, mais au fond, ils restaient de faibles humains. Qu’ils soient Reculés ou Neosiens, ils étaient tous confrontés à la mort avec la même cruauté, la même simplicité.

Le soir était tombé lorsqu’Elias se décida finalement à retourner vers l’immense demeure des sorciers d’Euresias, légèrement excentrée par rapport au reste du village.  Les Renards-volants étaient presque tous rentrés chez eux ; il en voyait encore quelques-uns se séparer après s’être souhaité bonne nuit. Il en vit d’autres s’envoler en petits groupes au-dessus de la forêt. En effet, bien que leur Clan soit à l’effigie d’animaux nocturnes, les habitants d’Euresias continuaient de vivre principalement le jour, même si des groupes de chasse allaient régulièrement inspecter l’île aux heures de coucher.
Elias allait franchir le rideau de perles qui séparait l’entrée de l’extérieur, lorsqu’il vit quelqu’un sortir. Tête basse, l’individu le dépassa sans rien dire.
- Tout va bien, Arès ? questionna Elias d’une voix sonore.
Arès jeta un regard effrayé en direction d’Elias. Mais il ne répondit rien et repartit vivement en direction du village, les bras croisés sur son torse maigre, ses ailes repliées autour de lui comme pour se protéger.

Elias entra finalement chez lui, et découvrit sa mère affalée dans un immense fauteuil, une longue pipe de bois entre les lèvres. Ses cheveux fins tombaient en partie sur son visage allongé, et ses petits yeux perçants le fixèrent avec insistance.
- Te voilà, commenta-t-elle en se redressant.
- Alors, qu’est-ce que ça a donné ? questionna Elias en repliant ses ailes avant de s’installer sur un large fauteuil à son tour.
- Comme d’habitude, répondit-t-elle, évasive. Mais je pense qu’encore un peu, et j’arriverai à lui arracher son Esprit sans faire de transfert à quelqu’un d’autre. Je suis sûre que de cette façon, on peut révéler leur potentiel et accroître leur puissance…
Elle avait prononcé ses deux dernières phrases à voix basse. Elias jeta un regard vers l’extérieur, pour s’assurer que personne ne les épiait.
- Quoi, tu n’as pas fait le tour avant d’entrer ? le réprimanda sa mère.
- J’y vais, s’excusa Elias avant de sortir à nouveau.
Il sortit pour contourner sa demeure tout en jetant des regards méfiants tout autour de lui. Il devait s’assurer de n’être à la portée de personne, fut-ce son meilleur ami. Lui et sa mère ne devaient prendre aucun risque, pour mener leurs expériences à bien. Pour enfin comprendre qui étaient ces Esprits étranges dont certaines familles avaient été affublées. D’où venaient-ils, d’ailleurs ? D’après les anciens et les plus vieux ouvrages, ils avaient été mis en lumière depuis le dernier Cataclysme. Cette crise fulgurante où la quasi-totalité de la population humaine avait été éradiquée. D’après les histoires qu’il avait entendues à ce sujet, les éléments s’étaient déchaînés contre la technologie des Hommes. Déchaînant les océans, abattant la foudre, soulevant des tornades, la Nature en personne s’était rebellée contre ceux qui abusaient de ses ressources. C’était la version qu’aimaient donner les anciens, pour justifier que la moitié de la population restante préfère retourner à ses origines plutôt que de rester dans une cité moderne telle que Neos. Les Esprits avaient ensuite changé la face de leur monde. Ils s’étaient rapprochés des Reculés, les avaient changés. Et en retour, les Reculés s’étaient portés garants de leur protection, reconnue essentielle pour l’harmonie du monde car elle avait le don de stopper les catastrophes naturelles. Depuis que les Porteurs avaient vu le jour, jamais un raz-de-marée, une tornade, ou la moindre tempête n’avait secoué leur monde. Tout était redevenu paisible. Mais par quel miracle ? Qui étaient réellement ces entités, avec lesquelles ont parvenait à communier, sans réellement comprendre leur origine ni leur éventuel but ?...
Elias pénétra de nouveau dans sa demeure en signalant d’un signe de tête que personne ne les épiait. Sa mère se détendit et inspira profondément dans sa pipe de bois.
- Tu lui as dit de revenir demain ? questionna Elias.
- Oui. Et comme d’habitude : s’il parle de tout ça à qui que ce soit, j’en fais mon affaire.
A ces mots, elle leva son bras et un sceptre de bois taillé se dessina dans sa main. Il était surmonté d’une sphère à l’intérieur de laquelle semblaient danser des flammes rougeoyantes. Un orbe de feu. Le prestigieux héritage de leur famille de sorciers.
Elias poussa un petit soupir. A ce jour, les sorciers étaient redevenus comme de simples citoyens. Même s’ils étaient salués à Euresias, ils n’en demeuraient pas moins des Reculés, comme tout le monde. C’étaient les Porteurs qui étaient plutôt considérés comme des éléments clefs au sein des tribus. Des périodes de conflit entre les différents Clans de Reculés et avec Neos, la dernière ville où vivaient des humains inaptes à la métamorphose, avaient éclaté par le passé et la présence des sorciers avait été essentielle pour asseoir les autorités de certaines patries privilégiées. Mais ce temps était révolu. Les sorciers n’étaient plus qu’un glorieux héritage que l’on gardait comme une relique, une décoration. Un symbole de prestige, rien de plus.
Elias voulait que cela change. Dès lors que sa mère ne pourrait plus assumer son rôle, ce serait à lui de perpétrer leurs illustres traditions. Dès lors qu’il deviendrait Jahëkumra, le vingt-huitième. Il pourrait alors continuer les recherches de ses parents, percer le secret de ces Esprits. Ceux qui détenaient la clef d’une puissance qu’ils s’obstinaient pourtant à taire.

Le jour suivant passa à une vitesse effarante. Elias se souvenait simplement avoir eu le temps de faire le tour du village comme il le faisait habituellement, pour rendre divers services aux citoyens. Il utilisait sa magie pour guérir les blessures superficielles, ou réparer le bois abîmé. Rien de transcendant, mais simplement de quoi être reconnu et remercié par son entourage. De quoi donner un maigre intérêt à son existence.
Il marchait à pas lents vers la forêt, perdu dans ses pensées, lorsqu’un poids lui heurta l’épaule. Surpris, il fit un pas de côté, et jeta un regard surpris à la Roussette qui l’avait bousculé.
- Elias, excuse-moi ! s’exclama cette dernière, le visage fendu d’un sourire aimable. J’étais dans les nuages, je ne t’avais pas vu.
Elias décocha un petit sourire et hocha la tête. Il parlait rarement à cette femme mais il voyait bien qui elle était. Splendide chevelure blonde qui ondulait dans son dos, yeux verts flamboyants, sourire d’ange. Elias avait toujours déploré de n’être alors qu’un enfant de quinze ans, rendant cette femme de dix ans son aînée, mariée qui plus est, totalement inaccessible.
- Il n’y a pas de mal, Serena, répondit-il en tâchant de dissimuler sa gêne.
Il baissa alors les yeux et remarqua qu’une enfant se cachait derrière les jambes de Serena, visiblement intimidée. La petite ouvrit de grands yeux surpris et se dissimula derrière l’étoffe que sa mère portait lorsqu’elle se rendit compte qu’on l’avait remarquée. Serena se baissa vers elle en riant et lui caressa les cheveux.
- Il ne va pas te manger, Cae-La, lui dit-elle avec un sourire amusé. Excuse-la, continua-t-elle ensuite à l’attention d’Elias. Elle est très timide.
Elias répondit d’un sourire qu’il voulut sincère. Puis il regarda mère et fille s’éloigner dans l’allée principale du village, entre les autres habitants qui circulaient en cette journée ensoleillée.
Elias resta longuement immobile à regarder passer ses semblables, lui souriant sur leur passage. Il ne leur répondait qu’évasivement, à nouveau perdu dans ses pensées. Sans qu’il ne se l’avoue lui-même, il était inquiet. Il était même terrorisé. Par sa mère, et ses expériences. Plus le temps passait, plus il avait la conviction qu’il s’embarquait dans une voie où rebrousser chemin serait impossible ; où la moindre erreur reviendrait à signer son arrêt de mort. Même si d’apparence, Euresias était un endroit paisible, les dogmes y étaient aussi très stricts. On pouvait sans mal y être exécuté pour avoir commis un simple larcin. Fort heureusement, les fauteurs de trouble se faisaient rares. En fait, Elias était persuadé qu’ils se résumaient maintenant à sa mère, et lui, son complice.
Elias se massa le crâne et partit en direction de la dense forêt, où il espérait pouvoir marcher seul. Le Porteur de leur Clan, Arès, était encore plus faible qu’à l’accoutumée, tant et si bien qu’il n’avait plus la force de décoller. Encore un peu, et il finirait par y passer. Son Esprit mourrait avec lui, et serait gâché. Elias espérait de toutes ses forces que sa mère réussisse à lui extraire de force cette entité avant que cela arrive. Mais après, comment l’expliquer au reste du village ?... Trouveraient-ils ensemble un alibi qui les sauverait de l’échafaud ?

La lune était déjà haut dans le ciel lorsqu’Elias s’en retourna chez lui. Et lorsqu’il s’approcha de l’entrée de sa demeure, il entendit un cri qui le fit frémir des pieds à la tête.
Elias se précipita à l’intérieur. Personne dans la pièce principale. Cela venait d’en bas. Il se précipita vers le sous-sol, descendit les marches à toute allure, ouvrit la porte grinçante à la volée et pénétra dans la pièce.
Il écarquilla les yeux. Sa mère était debout face à Arès, qui se débattait au sol avec de violents spasmes qui agitaient son corps tout entier. Il hurlait à pleins poumons, s’arrachait les cheveux, tordait ses ailes contre le sol, se prenait la tête avec les mains et agitait ses jambes dans tous les sens. Une brume opaque se formait autour de lui ; elle luisait faiblement en s’élevant dans l’air, sous les yeux émerveillés de Jahëkumra la vingt-septième qui admirait le fruit de ses expériences avec la plus grande satisfaction.
- J’ai réussi ! s’écria-t-elle pour couvrir les hurlements d’Arès. J’ai extrait son Esprit sans le transférer dans un nouveau corps, regarde !
Sous le regard mésusé d’Elias qui n’en revenait pas, sa mère commença à faire danser la brume dans la pièce, guidée par son bras qu’elle maintenait tendu devant elle. Mais petit à petit, la brume commençait à se tordre, à s’agiter, comme si elle souffrait elle-même de la situation. Elle sembla devenir de plus en plus indisciplinée, tant et si bien que Jahëkumra peinait à la garder sous son emprise. Les hurlements d’Arès ne s’arrêtaient pas, comme si la sorcière jouait avec son cœur et le tordait entre ses doigts acérés.
Elle jeta un regard glacial au jeune Porteur qui venait de perdre sa propre essence avec la plus grande violence, sans respect du Rituel qui habituellement se passait en douceur et sans la moindre douleur. Ses cris commencèrent à l’importuner. Alors, elle fit apparaître son sceptre dans son autre main.
- Toi, fermes-la.
Un éclair incandescent. Elias se cacha le visage avec son bras lorsqu’Arès prit feu brutalement, et un ultime hurlement jaillit de sa gorge bientôt calcinée. Il fut réduit en cendres à une vitesse surnaturelle. Bien vite, une odeur de brûlé s’éleva dans la pièce en donnant la nausée à Elias, qui ne parvenait pas à croire ce que sa mère venait d’accomplir.
C’est alors que des pas retentirent dans les escaliers. Elias se retourna et tomba nez-à-nez avec deux villageois qui avaient été alertés par les cris incessants d’Arès. Ils se stoppèrent lorsqu’ils contemplèrent le spectacle invraisemblable qui se déroulait sous leurs yeux.
- Jahëkumra ! s’écria l’un d’entre eux. Qu’est-ce que…
En réponse, la sorcière envoya son bras en direction d’Elias, qui se fit frapper de plein fouet par la brume déchaînée. Il écarquilla les yeux et eut à peine le temps de se retourner vers sa mère, qu’il sentit une sensation étrange s’emparer de lui. Il eut l’impression que ses vaisseaux allaient exploser un par un, et que son corps allait prendre feu à son tour. Il hurla. Il ne comprit pas ce qui se déroulait à ses côtés par la suite ; il entendit simplement un violent conflit éclater dans la pièce, tandis qu’il se laissait sombrer sur le sol, et s’écroulait dans les cendres d’Arès, les yeux rivés dans le vide. Puis il sombra dans les ténèbres.


A son réveil, il eut l’impression d’étouffer. Il se redressa péniblement, et le temps que sa vue s’ajuste à ce qui l’entourait, il tenta de rassembler ses souvenirs. Une odeur de chair brûlée lui agressa les narines et il se redressa subitement. Il était seul au sous-sol, mais il faisait anormalement chaud. Le cadavre calciné d’Arès était encore près de lui, mais sa mère et les deux Renards-volants avaient disparu.
Il se releva péniblement, et sortit le plus rapidement possible du sous-sol où l’air devenait irrespirable. Il ignorait si c’était la fumée qui lui causait de tels vertiges, mais il peinait à s’orienter et avait l’impression que son crâne allait exploser. Pris de panique, il arriva dans l’entrée de sa demeure, et constata avec stupeur que des flammes rougeoyantes étaient en train de dévorer les murs. Il sortit le plus rapidement qu’il put, le cœur battant, et se précipita vers l’extérieur.
Il se stoppa sur le pas de la porte. Sa mère était étendue devant lui, une lance plantée en travers de la poitrine. Il pouvait voir le sang continuer de glisser sur ses vêtements, et imbiber la terre sous elle. Son sceptre reposait à ses côtés. Et droit devant, les soldats d’Euresias avaient déjà baissé leurs armes. Leur regard était sombre. Lourd de reproches.
Elias se mit à trembler. Il n’arrivait pas à détacher son regard du corps inerte de celle qui l’avait élevé. Qui avait partagé avec lui ses plus sombres secrets. Et qui avait fait de lui son ultime expérience. Ce n’était pas de la peine qu’il se mit à éprouver, mais plutôt une colère démente qui le fit bientôt trembler des pieds à la tête.
- C’est terminé, Elias, lança un grand Renard-volant aux yeux ambrés. Nous savons ce qui est arrivé à Arès. Rends-toi sans faire d’histoires.
Elias redressa lentement son regard. Se rendre ? S’il faisait cela, il était certain d’être condamné à mort. De subir la même chose qu’Arès avant lui ; qu’on trouve le moyen brutal de lui extirper l’Esprit pour le donner à quelqu’un de plus légitime que lui. Tandis qu’il réfléchissait à toute allure, sa vue se brouilla et ses tempes commencèrent à pulser au rythme effréné de son cœur. Ca ne pouvait pas se terminer comme ça pour lui. Pas ici ni maintenant. Sa vie commençait à peine ; il n’avait encore rien eu le temps d’accomplir, et n’avait pu concrétiser aucun de ses rêves.
Même s’il avait du mal à penser en cet instant, il était néanmoins sûr d’une chose. Jamais il ne se laisserait exécuter.
Il fit deux pas en avant, se baissa et ramassa le sceptre de sa mère. Le temps que ses doigts fins se renferment en tremblant sur le manche de bois, il distingua une marque noire qui venait d’apparaître sur le dos de sa main gauche.
Les soldats se tinrent sur leurs gardes, mais la déflagration les recouvrit avant même qu’ils n’aient pu comprendre ce qui leur arrivait.

Serena laissa sa dernière note s’échapper doucement dans l’air de la chambre. Calmée par cette berceuse si douce qu’elle aimait entendre chaque soir, sa fillette était partie au pays des songes. Serena sourit en caressant les cheveux de sa fille. Rien au monde ne lui apportait plus de bonheur que sa famille, et la protéger était la chose la plus importante à ses yeux. Elle tourna le regard vers l’extérieur. Eoghan était parti chasser avec d’autres soldats, comme il le faisait régulièrement. Elle était seule chez elle, avec ses deux enfants qui dormaient paisiblement.
Soudain, un cri la tira de ses pensées. Elle sursauta et regarda de nouveau à l’extérieur. Les villageois commençaient à sortir de chez eux, avec plus ou moins de précipitations. Ils se dirigeaient vers l’entrée du village, dans un premier temps. Puis elle les vit presque aussitôt passer en sens inverse, beaucoup plus rapidement. Et sans prévenir, une violente explosion retentit dans la nuit.
Serena se jeta sur sa fille et la prit dans ses bras avant de se ruer hors de la pièce. Elle vit son fils de sept ans arriver dans le salon, une expression de panique sur le visage.
- Teo-Ra ! s’exclama-t-elle en lui prenant la main. Viens, vite !
Elle sortit en courant de la maison avec ses deux enfants. Elle jeta un regard à sa droite, et constata avec terreur que des flammes immenses s’élevaient au-dessus des habitations, répandant leur chaleur mortelle dans l’air frais de la nuit. Imitant les autres villageois, elle se précipita dans la direction opposée, et se faufila entre deux maisons où peu de gens s’étaient aventurés. L’instant d’après, une déflagration embrasa toute l’allée principale du village, emportant avec elle les centaines de citoyens paniqués qui n’avaient pas eu le temps de fuir. Serena frémit en entendant leurs cris d’horreur tandis que les flammes les consumaient en quelques instants. Sans s’arrêter, elle serpenta entre les maisons, espérant être plus rapide que l’incendie. Sa vue commença à se brouiller, et sa panique la submergea rapidement. Elle n’eut pas le temps de réagir lorsque la demeure qu’elle longeait explosa avec violence, enflammant le ciel et la terre, et s’écroula sur elle sans qu’elle n’ait le temps de réagir.

Les flammes montaient jusqu’au ciel et recouvraient les arbres, calcinaient leurs rameaux protecteurs, détruisant leurs fruits magnifiques. Les Renards-volants avaient beau s’enfuir de tous côtés, ou tenter de fuir par les airs, ils n’en devenaient que davantage des proies de choix pour le sceptre de feu de la lignée des Jahëkumra.
L’orbe de feu rugissait comme jamais, et crachait ses flammes mortelles dans toutes les directions. Elias sentait son esprit s’égarer peu à peu dans la folie, mais ne faisait aucun effort pour stopper sa propre descente aux enfers. Il continuait de brandir le sceptre de sa défunte mère pour frapper tous ceux qu’il apercevait. Les hurlements des citoyens pétrifiés par la peur et submergés par la douleur ne l’atteignirent bientôt plus. Au contraire, il voulait les entendre. Il en avait besoin. C’était eux ou lui. Il ne pouvait plus reculer. S’il laissait des témoins, il serait traqué comme une bête jusqu’à la fin de ses jours. Les hurlements insupportables d’Arès, et l’image de son corps maigre secoué dans tous les sens par la douleur passaient et repassaient devant ses yeux, lui faisant perdre tous ses moyens. Il ne voulait pas connaître le même sort. C’était hors de question. Il devait survivre. Eliminer les témoins. Et s’enfuir le plus loin possible de cet endroit.
Elias hurla et leva les bras au ciel, son sceptre dans sa main, et teinta les cieux de flammes rougeoyantes qui dansèrent jusqu’aux derniers survivants qui avaient tenté de s’enfuir hors de l’île. Il les revit tomber comme des braseros, avant de disparaître dans la mer de feu qu’était devenu Euresias. Les flammes étaient si violentes, si indisciplinées, que son pouvoir ne lui appartenait déjà plus. Il ne maîtrisait pas sa force, ni sa magie. C’était trop tôt. Lorsqu’il réalisa enfin son geste, il ne restait plus qu’un théâtre ardent qui emportait avec lui les restes de la cité qui l’avait vu grandir.

Il sentit alors une douleur effroyable ravager la partie gauche de son visage. Il se crispa et grinça des dents ; il voulut toucher sa plaie mais le contact de ses doigts sur sa peau brûlée ne fit qu’augmenter la douleur, et il les retira brusquement. Il avait été atteint par ses propres flammes. Mais cette souffrance ne signifiait déjà plus rien pour lui. Quelque chose de plus important l’attendait.
Il ignora sa blessure qui lui déchirait la peau et il ouvrit ses ailes osseuses. Son sceptre en main, il courut en direction de la falaise qui surplombait la mer, près du village. Il s’élança dans le vide et se laissa porter dans l’air glacial de la nuit, abandonnant derrière lui sa patrie en proie aux flammes qu’il avait engendrées. Il fit battre ses ailes de toutes ses forces pour s’éloigner à jamais de cette île qui l’avait vu naître, et dont il avait été au centre un court moment. Mais c’était terminé. Pour l’heure, rien ne lui importait plus que sa propre survie.

Toujours en proie à une terreur panique, Jahëkumra le vingt-huitième redoubla d’efforts et disparut dans les nuages opaques qui avaient recouvert la lune.
Flashback /o\
Initialement je l'avais mis en intégralité dans ce chap 5 mais finalement la dernière partie sera dans le chap suivant, autrement ça faisait trop long.
J'espère que ça vous plaira, et à la semaine prochaine pour la suite =3


<= Chapitre précédent : Terres de reve ~ Partie 2 Chap 4
=> Chapitre suivant : Terres de reve ~ Partie 2 Chap 6

Début de l'histoire : Terres de reve ~ Partie 1 Chap 1
Comments29
Join the community to add your comment. Already a deviant? Log In
LaFeeTiguee's avatar
C'EST CA, SOUFFRE ELIAS, SOUFFRE- :iconsrslyoffendedplz:

Ohh je trouve ça trop mignon les petites roussettes qui ont hâte de voler ;v; ... ... et je sens qu'ils ne le pourront jamais- *s'enterre*

Le Cataclysme est terrible, mais la façon dont il est perçu et décrit est profonde est très belle je trouve *_*

Daaaaw petite Sephyra et Maman Sephyra, nuuuuuuuhh ;A;
Très lucide ce petit Elias-

J'imagine que quelqu'un a déjà repéré la faute inattention, mais c'est écrit "regard mésusé" au lieu de médusé 'o'

Mais.. MAIS QUOI QUOIDFHJRHGHDH ?! Arèèès, l'Espriit, et même petit Elias ??! QAQ"" ... Je comprends mieux pourquoi c'est un cinglé, les chiens ne font pas des chats comme on dit--
En tout cas je trouve la description des sensations d'Elias lorsqu'il "reçoit" l'esprit particulièrement réussie D:

AAAH. EN VOILA UNE QUI NE L'A PAS VOLÉ ! >8T

Noooooes, Serenaaaa, tu es si adorable, ta famille aussi, noooooooes ;______;

Pfprtgrhghrhf, la description de la destruction de l'île et de ses habitants est poignante, et j'aime beaucoup la phrase de conclusion, par rapport aux nuages qui recouvrent la lune, ça me fait penser à Elias lui même, comme si cet incendie avait dévoré le peu de lumière qu'il pouvait rester en lui :T